Pour Guy Mettan, ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève, qui a également cofondé et dirigé le Club suisse de la presse et présidé le Grand Conseil (parlement du canton de Genève), la géographie du Valais est une situation privilégiée au cœur du continent européen, qui en a fait un lieu de passage continu entre le nord et le sud, et entre l’est et l’ouest. « C’est aussi l’une des principales étapes de l’ancienne voie romaine qui a permis pendant 1500 ans de faire monter les légions d’Égypte vers l’Angleterre et les Flandres, et d’acheminer les cohortes de pèlerins de Cantorbéry vers Rome et Jérusalem ».
Dans Valais – République des glaciers, le journaliste définit l’idiosyncrasie valaisanne : « mélange assumé de conservatisme et d’ouverture, d’engagement communautaire et d’individualisme exacerbé, de résistance farouche aux séductions de la modernité et d’appétit glouton pour les facilités de la technologie, d’acceptation fataliste des duretés de la vie et d’esprit d’entreprise capable de renverser les montagnes, de les percer de tunnels, de les hérisser de barrages et de les contourner par des bisses vertigineux pour domestiquer l’eau et assurer les communications ». Et l’auteur de renchérir : « Ici, le conservatisme n’est pas un gros mot et le progressisme n’est pas une religion ».
Il rappelle que les touristes et autres amoureux de hautes cimes fréquentent notamment et depuis longtemps Zermatt « mère de toutes les stations ». À la suite d’Albert de Haller, Rousseau, Goethe, Châteaubriand et autres romantiques, les Alpes étaient peu à peu devenues à la mode, surtout en Angleterre. L’arrivée des diligences puis du train va décupler le tourisme, grâce aux Anglais. En 1858, la première compagnie des guides est fondée. Saxon, Morgins, Champéry, Zinal, Trient et Finhaus suivront. En 1863, le Club alpin suisse est créé.
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La vogue du ski et des sports d’hiver explose après 1945, précise le journaliste randonneur. Les stations touristiques historiques du Bas-Valais sont alors concurrencées par de nouvelles venues, Crans-Montana, Verbier, Saas-Fee et Nendaz. « Mais Zermatt les dépasse toutes à la fois par son antériorité, son paysage de carte postale et son choix de développement unique ». Toujours à la pointe, la station inaugure un téléphérique panoramique unique en son genre, le plus haut d’Europe, pour transporter les touristes au sommet du Petit Cervin à 3883 mètres d’altitude et relier le domaine à l’Italie par le col du Théodule.
Le Valais fascine et bat des records européens. La route du Simplon, Aletsch, le glacier le plus long et le plus étendu d’Europe classé au patrimoine de l’Unesco ; la Grande-Dixence, le plus haut barrage construit jour et nuit par 3000 ouvriers, pour la plupart venus d’Italie ; Chandolin, le plus haut village niché à 1956 m, Visperterminen la plus haute vigne culminant à 1200 m, sans oublier chalets pittoresques, mazots et mayens, festivals culturels innovants et même électroraclette.
Citadin ancré dans la Cité de Calvin, Guy Mettan décrit son Valais natal avec passion et sans complaisance. « Le Valaisan peut-être sans pitié pour le touriste étranger et le citadin genevois en résidence secondaire, il n’en est pas moins capable d’intégrer le plus dur à cuire des Siciliens ».
Dans Le monde à deux mille mètres, la description se fait plus intime. D’observateur Guy Mettan devient marcheur. Sac à dos, il s’aventure plus loin et plus haut, tel un héros de Rimbaud, homme aux semelles de vent savourant le mystère de l’enchantement. Dans un périple de 55 jours et autant de cols, grimpant de Saint-Gingolph à la Furka, il se confie. « Chaque soir, j’ai dressé le procès-verbal de la journée. Souvent sans autre motif que le plaisir de noter la volupté, et la douleur parfois, de marcher, monter, descendre, remonter, redescendre, à l’infini ».
Le journaliste qui est aussi député rend hommage à l’auteur de L’usage du monde, l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier. « En marchant, quand j’étais à la peine, j’ai souvent pensé à Nicolas Bouvier, terrassé par la maladie et la dépression dans une misérable soupente à Ceylan…Et aussitôt je me remémorais en souriant nos discussions, voici trente-cinq ans, autour d’un verre de whisky ». Une phrase de l’écrivain-iconographe-photographe, citée en exergue de son premier chapitre, donne le ton de l’ouvrage de Guy Mettan. « Le ciel était bleu et le spectacle d’une splendeur inimaginable : d’énormes ondulations de terre descendaient en moutonnant à perte de vue ».
Bouvier, Goethe, Schiller, Rousseau, Byron, Ramuz, Rilke, Chappaz, Corinna Bille, hommes et femme de lettres, inspirés par les sentiers et sommets valaisans, ont exalté « le berceau mémorable des libertés de l’Europe » et les vertus d’un peuple « qui, lorsqu’il est accablé d’un poids intolérable, implore cette justice éternelle qui habite là-haut, immuable et inébranlable, comme les astres mêmes ».
S’il magnifie son canton de naissance par les mots, Guy Mettan ne fait pas l’impasse sur la montagne qui n’échappe plus aux dévastations du tourisme, balafrée par des routes à VTT, des pistes de ski ou des canons à neige. Mais il constate que même blessée, la montagne est restée indomptée. Résident genevois avec le Valais chevillé au corps, le journaliste devenu écrivain se veut optimiste et résistant, comme les rebelles de sa terre. « Redécouvrons les Alpes. Elles n’ont rien perdu de leur beauté et de leur magie. Et racontons-les ». Voilà, écrit-il, ce qui l’a décidé à publier ce journal de marche.
À lire : Valais – République des glaciers (L’âme des peuples, Éditions Nevicata, Bruxelles 2021) et
Le monde à deux mille mètres – Journal d’un voyageur des cimes (Éditions Slatkine, Genève 2021).
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