L’élection à la présidence et vice-présidence des Etats-Unis du duo Joe Biden-Kamala Harris permettra-t-elle de faire avancer le dossier de l’engagement des Etats en faveur du climat, après la signature de l’Accord de Paris le 12 décembre 2015 ? En choisissant John Kerry comme envoyé spécial pour le climat, le nouveau président des Etats-Unis, qui entrera en fonction le 20 janvier prochain, a indiqué son intention de voir son pays réintégrer un Accord contesté par le président sortant Donald Trump. « Je retourne au gouvernement pour remettre l’Amérique sur la bonne voie, face au plus grand défi de cette génération et face à ceux qui suivront », a déclaré John Kerry dans un tweet, s’engageant ainsi à « traiter la crise climatique comme la menace urgente de sécurité nationale qu’elle est ».
Tous les pays sont censés contribuer à la protection du climat, l’une des préoccupations majeures des citoyens du monde et de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les paroles du président élu des Etats-Unis Joe Biden sont-elles encourageantes à ce propos ? Tatiana Valovaya, la Directrice générale de l’Office des Nations Unies à Genève, a répondu à Global Geneva en fine diplomate : « Nous avons tiré des leçons de la pandémie de Covid-19. L’une de ces leçons est que nous sommes très liés entre nous. Cela signifie que nous ne pouvons relever les défis mondiaux qu’à l’échelle mondiale et que personne ne peut s’abstenir de participer à un effort commun ».
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Sans répondre directement à la question concernant les mots du nouveau président élu des Etats-Unis, la Directrice générale de l’ONUG a ajouté : « Nous pouvons être en aussi bonne santé que notre voisin ; cela signifie que pour lutter contre le changement climatique, nous avons besoin d’un effort commun. Nous avons vu pendant la pandémie que nos efforts peuvent porter leurs fruits. Avant la pandémie, on pouvait parfois entendre des gens dire que si nous faisons quelque chose, cela n’affectera pas la nature et que cela n’a rien à voir avec les activités humaines. Mais pendant la pandémie, nous avons vu le lien entre nos activités économiques et l’état de la nature lorsque nous avons arrêté les activités économiques. Nous avons vu l’amélioration de la nature, de l’air frais, de la propreté des eaux, de la réduction de la pollution. Si nous ne pouvons pas arrêter nos activités économiques, nous pouvons les réduire de manière durable et faire cet effort pour lutter contre le changement climatique. C’est une leçon à tirer de la pandémie ».
« Le TED Countdown, un accélérateur de solutions à large échelle à la crise climatique »
Participer à l’effort commun pour œuvrer en faveur du climat. C’est ce qu’a entrepris Bruno Giussani, le coordinateur international des conférences TED, qui a réuni en ligne, le 10 octobre dernier, une cinquantaine d’orateurs venus d’horizons divers pour une conférence virtuelle diffusée sur You Tube. Parmi les intervenants figuraient notamment le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, le pape François, la Présidente de l’Union européenne Ursula von der Leyen, le Prince William d’Angleterre et des experts et expertes faisant autorité dans leur domaine.

Bruno Giussani a expliqué à Global Geneva, les points forts de son initiative : « Le TED Countdown se veut un accélérateur de solutions à large échelle à la crise climatique. Nous avons choisi de nous concentrer sur les possibilités, les opportunités et les solutions pour ce qui concerne la diminution de moitié des émissions de gaz à effet serre d’ici 2030, pour arriver à “net zero” d’ici 2050. Le programme de cinq heures de présentations, d’interviews, complété par de mini-documentaires, des explications scientifiques et des performances, sur Youtube, a parlé de nouveaux matériaux, comme par exemple la manière de réinventer le ciment, d’électrification du transport, d’énergie, de reforestation, de conservation des forêts, d’innovation technologique, de changements du tissu urbanistique, de réinvention de la filière de production de nourriture, et bien d’autres thèmes ».
Les interventions politiques et philosophiques n’ont pas manqué. Participation particulièrement remarquée, celle du Pape François, « qui a appelé dans son TEDTalk à désinvestir des énergies fossiles. Et le Prince William a introduit une série d’idées à grande échelle que sa fondation s’est engagée à soutenir », a souligné Bruno Giussani, ajoutant que « le compteur de Youtube a déclaré que nous avons dépassé les 15 millions de vues ce jour-là ». Cet événement constitue le lancement de l’initiative qui continuera pendant toute l’année 2021, affirme son concepteur, « avec différents moments pendant l’année et un Countdown Summit en octobre, deux semaines avant la conférence de l’ONU sur le climat, la COP26, qui se déroulera à Glasgow ».
Pour Bruno Giussani, « la pandémie a été un révélateur, une sorte de loupe à l’échelle globale posée sur les multiples problèmes auxquels nous étions confrontés avant l’arrivée du virus. L’impatience de certains pour “revenir à avant la pandémie” a fait oublier que l’”avant” a été le terrain sur lequel la pandémie a pu se développer : écosystèmes ravagés, désertification, déforestation, pollution de l’air, espèces à risque d’extinction, et bien évidemment la courbe de nos émissions de gaz à effet serre qui continue d’augmenter ».
“Revenir à avant” est un souhait insensé, poursuit-il. « Nous avons, pour utiliser l’expression du Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres, “mené une guerre contre la nature”, et cette guerre-là est une guerre suicidaire. J’espère que la pandémie ait ouvert les yeux sur le fait qu’on ne doit pas “revenir à avant”, mais que l’on doit repartir sur des nouvelles bases. La pandémie a montré que l’humanité peut faire des choses extraordinaires – pensons seulement aux vaccins produits en moins d’une année -, et mobiliser des ressources extraordinaires. Mais les trilliards d’euros et de dollars mobilisés par les gouvernements et les banques centrales ne devraient pas aller à renforcer ou tenir à flot l’économie fossile d’hier, ils devraient aller à accélérer le passage à l’économie propre de demain, à une économie prospère, riche, créative, où l’air est respirable, les eaux propres, et où la nature ne soit plus simplement une ressource à exploiter ».

Covid-19 : frein ou accélérateur de la lutte contre le réchauffement climatique ?
Les participants au débat en ligne, organisé le 26 novembre dernier au Club suisse de la presse, modéré par Pierre Ruetschi, ont également tiré la sonnette d’alarme.
Selon Lauren Carter, conseillère Climat et Finance au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), « le Covid-19 a créé une opportunité, un changement, pour prendre des mesures plus radicales en faveur du climat, avec des énergies vertes, comme le nouveau kérosène pour les avions qui peut diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ou les véhicules électriques, en concordance avec l’Accord de Paris sur le climat », entré en vigueur le 4 novembre 2016.
Si Lorenzo Labrador, officier scientifique à l’Organisation météorologique mondiale (OMM), abonde dans ce sens, il avertit : « La crise du Covid n’a pas apporté une diminution assez importante des gaz à effet de serre. Cela ne fait aucune différence sur la concentration de Co2 au niveau mondial. Il faut redoubler d’effort avant la prochaine COP pour recalibrer la situation et savoir comment agir pour les dix prochaines années ».
L’urgence climatique est un thème que des milliers de jeunes sous toutes les latitudes, des scientifiques ainsi que certains partis politiques tels que Les Verts en Suisse rappellent en permanence. Pour la conseillère aux Etats du Parlement suisse Lisa Mazzone « ce serait une erreur de penser que le Covid-19 est une bonne nouvelle pour le climat. Ce n’est pas le modèle que les Verts proposent. Le coronavirus réduit notamment les liens sociaux et touche à l’économie culturelle et celle des services notamment. Cette pandémie a montré que nous avons une économie qui fonctionne en s’appuyant sur les énergies fossiles. Nous voulons une économie qui développe d’autres secteurs, qui se traduise aussi en termes de revenus dans des secteurs qui ne sont pas impactant ».
« Il faut tirer les leçons de cette crise – a renchérit Kevin Grangier, président de l’Union démocratique du centre (UDC, section du canton de Vaud) – notamment dans le domaine économique. Il faut que cette crise soit l’électrochoc nécessaire pour un rééquilibrage entre l’environnement, l’être humain et l’économie, afin de continuer à vivre bien génération après génération ». L’élu vaudois a mentionné « la forte dépendance à des chaînes logistique fortement polluantes dans le mode de consommation qui est le nôtre ». Il a prôné de « retourner vers le local et le durable. Et vers une relocalisation de l’industrie ici où nous vivons, qui redéfinisse les chaînes de réapprovisionnement ».
Investissements et transition économique, deux éléments clés pour Sébastien Duyck, avocat principal du Programme sur le climat et l’énergie au Center for International Environmental Law (CIEL). « Tous ces investissements publics ont-ils été simplement fournis pour les compagnies aériennes et pour l’ensemble de l’industrie ou peuvent-ils accélérer la décarbonisation afin d’avoir un modèle qui permette de continuer à respecter les droits fondamentaux tout en réduisant les gaz à effet de serre ? Ou est-ce que l’on essaie de se concentrer uniquement sur la crise économique actuelle ? Pourquoi ne profitons-nous pas de la possibilité qui nous est offerte pour accélérer cette transition qui doit absolument être faite ? ». Des questions essentielles au temps du coronavirus et de l’engagement pour la sauvegarde de la nature.
Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.
Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.
Pour en savoir plus, voir les sites :
Covid 19: Frein ou accelerateur…
TEDx Countdown: The Architecture of Transition
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