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Celebrating Payot: A Century of Literary Heritage

Discover the rich heritage of Payot, a leading literary establishment in Geneva, celebrating a century of promoting Swiss and global literature.

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Luisa Ballin
April 14, 202015 min read

Edition Française. Global Geneva is including French-language articles on ‘international Geneva’ themes as part of its worldwide outreach to Francophone audiences. This is part of our ongoing series on books and the publishing industry as well as YouthWrites, our initiative to encourage young people across the planet to improve their writing skills, better understand the role of quality journalism and to read more. (An English version of this article is also available)

Avant l’éclatement de la crise du coronavirus, les ventes de livres s’affaissaient en France. Trois librairies abandonnaient en moyenne chaque semaine en Belgique, selon le syndicat pour indépendant, alors qu’en Italie 2’300 librairies avaient fermé en cinq ans, de l’aveu de l’association des libraires italiens. En Suisse les librairies survivent difficilement. L’isolement dû au coronavirus leur portera-t-il un coup fatal ou démontrera-t-il le rôle important qu’elle jouent ? Le réseau Payot, qui a fêté cent ans de plénitude à Genève, démontre une capacité d’adaptation à toute épreuve.

La chance sourit aux audacieux. Pascal Vandenberghe ne fait pas mentir l’adage. Sa devise pour durer, hier comme aujourd’hui ? Se réinventer et diversifier les activités. L’incontournable PDG de Payot expliquait à Global Geneva les raisons de cette longévité et l’importance d’un espace consacré aux volumes en anglais. Si, comme tous les commerces non alimentaires Payot a dû fermer provisoirement ses portes, confinement oblige, Pascal Vandenberghe annonce sur le site de son réseau que tous les livres peuvent être commandés, les expéditions, gratuites, se faisant au fur et à mesure.

Fondée en 1877, la marque Payot Libraire a créé sa première succursale en 1918. Fleuron de son réseau de douze points de vente disséminés dans les villes de Suisse romande, le magasin Payot Rive Gauche Genève propose plus de 100’000 références francophones et internationales dans tous les domaines, des espaces de lecture, le shop in shop Nature & Découvertes, un espace café Carasso et un antre entièrement voué aux ouvrages en anglais pour séduire les milliers d’Anglophones résidant dans la Cité de Calvin et ses environs. Confinés, mais non résignés, les lecteurs et lectrices peuvent commander en ligne les ouvrages qui rendront leur quarantaine plus stimulante.

Un nouveau concept de librairies

Né français puis devenu suisse en 2017, Pascal Vandenberg a travaillé à la FNAC et aux Editions La Découverte avant son arrivée en Helvétie. « En 2004, j’étais depuis six ans aux Editions La Découverte à Paris, où je vivais depuis dix ans. J’avais besoin de changer d’entreprise, de quitter la Ville lumière et éventuellement la France. L’occasion de venir en Suisse romande s’est présentée en 1994. J’avais vu Payot se transformer au fil des années, avec l’ouverture, en 1992, d’un nouveau concept de librairie à la rue Chantepoulet à Genève ».

L’homme de livres assistera ensuite à l’ouverture de Payot Rive Gauche, sise, à l’époque à la rue du Marché. Clin d’œil de la chance à ce visionnaire téméraire : « Un jour, j’ai appris que Claude Jaillon s’en allait. Je l’ai appelé en lui disant que c’était pour un sondage ». Pascal Vandenberghe a l’humour pince-sans-rire et le sens des affaires. « Claude, tu apprends que Pascal Vandenberghe postule pour prendre ta succession à la tête de Payot : a) tu éclates de rire trouvant cela d’un cocasse absolu ; b) tu te mets à pleurer en pensant qu’il n’y a rien de pire ; c) tu te dis pourquoi pas ». Dix secondes, rire compris, et le destin professionnel de notre interlocuteur sera scellé : « Petit c, m’a répondu Claude. J’ai donc posé ma candidature. Cette belle opportunité m’a permis de changer de pays, de ville et de vie ». Sa fierté ? « Depuis quinze ans, j’espère avoir encore embelli Payot ».

Pragmatique, l’homme qui personnifie le livre en Suisse romande a le sens de la formule : « Le commerce est un art, la vente est un acte », affirme Pascal Vandenberghe. Autodidacte féru de culture, le big boss de Payot tient à rappeler que « les librairies sont des lieux de commerce qui induisent les échanges entre les humains. Cette partie du commerce m’intéresse, car c’est aussi cela que nous faisons ». N’en déplaise à ceux qui confondent librairie et bibliothèque. Et aujourd’hui au coronavirus.

À l’ère des réseaux sociaux, des liseuses, tablettes, téléphones portables et autres technologies de l’information, vendre des livres, n’est-ce pas une utopie ? La réponse fuse : « J’adore les utopies ! Cela fait 36 ans que je suis dans le livre. J’ai vu le métier de libraire se transformer radicalement. Si nous arrivons à anticiper les besoins des clients, à nous adapter à l’époque, nous avons de l’avenir. Cela fait depuis qu’il existe que l’on annonce la disparition du livre. À partir du milieu des années 50, les choses se sont accélérées avec la popularisation des bouquins et l’arrivée du livre de poche. Pour Jean-Paul Sartre, c’était ramener le livre à un paquet de lessive ! Et Jérôme Lindon, le patron des Editions de Minuit, renchérissait en affirmant que le livre de poche était la fin de la création littéraire ! Il y a eu l’apparition du cinéma, de la radio, de la télévision. Et le livre est toujours là ! C’est le plus ancien média de communication qui circule et il a de beaux jours devant lui ».

Le livre est une forme de consécration

Têtu Pascal Vandenberghe ? Persistant et déterminé, assurément. « En 2014, j’ai racheté l’entreprise Payot parce que je croyais, et je crois toujours, que le livre a un avenir. Nous sommes attentifs aux choses qui se modifient. En librairie, nous ne vendons plus les mêmes livres qu’il y a trente ans. Les clients sont différents et le livre analyse justement des phénomènes différents ».

Annoncé moribond depuis des années, le livre tient une belle revanche. Des exemples ? « Les jeunes youtubeuses qui vantent des millions de followers passent à un moment donné par le livre. Car il donne un statut. Pour un sportif, un homme politique ou un chanteur de variété le livre reste une forme de consécration. J’ai travaillé à la démocratisation du livre, mais il faut lui garder sa forte symbolique. Si l’on écrit un livre, on n’est plus la même personne. Et il manque un galon à une personnalité politique qui n’a pas écrit de livre », estime l’actionnaire principal de Payot.

Que dire du prix élevé du livre en Suisse ? Pascal Vandenberghe acquiesce, mais précise : « C’est une difficulté supplémentaire par rapport à la France. Cela a été violent après la première baisse de l’euro en 2011 et une deuxième fois en 2015 avec l’abolition du taux plancher ». Mais pour lui, parler de la cherté du livre en Suisse par rapport à la France n’est pas le bon angle d’attaque. « Le pouvoir d’achat en Suisse est deux, voire trois fois plus élevé qu’en France. Un instituteur en fin de carrière à Genève gagne dix mille francs suisses par mois. Si un instituteur en fin de carrière en France gagne 3’000 Euros par mois c’est le bout du monde ! Un libraire en France touche le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance, ndlr) de 1’300 euros mensuels. La Suisse, pays d’importation de livres, est riche. Ses habitants ont un pouvoir d’achat élevé », rappelle-t-il.

La stratégie de l’homme qui dirige Payot ? « Dire aux clients que nous ne vendons pas que du prix et du livre. Nous vendons un service de qualité, un accueil et des compétences, dans un beau magasin. Tout cela a de la valeur. Et nos charges sont en francs suisses ! Nous avons perdu une partie de notre clientèle partie sur Amazon ou dans les librairies de France voisine. Car oui, les livres sont en moyenne 50% plus chers en Suisse qu’en France, mais je ne vais pas tuer ma boîte pour des personnes qui ne prennent pas en compte ces facteurs. Ce sont les autres lectrices et lecteurs qui m’intéressent. Celles et ceux qui veulent être servis par des libraires compétents qui leur offrent un bon service ».

Le prix du livre vendu en euro figure d’ailleurs au dos de la couverture de chaque ouvrage. « Il s’agit de transparence pour le consommateur qui peut ainsi voir sur le livre qu’il achète le prix en euro. Ce qu’il n’a pas sur un produit de lessive ou un tube de moutarde, souvent vendus en francs suisses au double du prix en euro. », souligne Pascal Vandenberghe.

Avant le confinement dû au coronavirus, les librairies du réseaux Payot, à La Chaux-de-Fonds, Genève, Lausanne, Sion et Fribourg étaient très fréquentées, grâce notamment aux rencontres avec les auteurs, aux séances de dédicaces et aux animations, renforçant ainsi le rôle d’acteur culturel de Payot dans la cité. Rôle de passeur d’idées que Pascal Vandenberghe et son équipe continuent de jouer, puisque le cantonnement chez soi peut aussi être une occasion de belles lectures.

Vente d’ouvrages en anglais

L’autre atout majeur de Payot Rive Gauche et à la gare Cornavin à Genève est la vente de livres en anglais. « C’est important de le faire car nous avons à Genève et alentours 60’000 résidents anglophones. Ils constituent la troisième agglomération de Suisse romande, puisqu’aucune ville romande, à part Genève et Lausanne, n’a 60’000 habitants. Notre avantage est aussi d’avoir des libraires bilingues, un service de commande rapide et 25’000 titres à disposition. Lorsqu’un livre très attendu parait en anglais, cela peut constituer la meilleure vente de notre librairie dans la semaine », s’enthousiasme Pascal Vandenberghe. Qui ne cache pas la difficulté de faire venir dans ses librairies des auteurs anglophones.

« Je peine à faire comprendre aux éditeurs français que lorsqu’ils sortent le livre d’un écrivain anglophone, s’ils le font venir ici, nous touchons les deux publics : francophone et anglophone. Mais un éditeur français basé à Paris préfèrera envoyer un auteur anglophone à Strasbourg ou à Toulouse, alors qu’il aurait un écho bien supérieur ici, si l’homme ou la femme de lettres faisait l’aller et retour dans la journée pour rencontrer des lecteurs à Genève. Mais les éditeurs de l’Hexagone n’en ont cure. Ils achètent des droits pour publier en français ».

L’offre de Payot est liée aux maisons d’édition en mesure de livrer les livres. La majorité de l’offre des éditeurs est disponible et seuls quelques distributeurs ne peuvent pas assurer un service minimum d’approvisionnement. Comme les lectrices et les lecteurs, Pascal Vandenberghe et ses collaborateurs et collaboratrices sont dans les starting blocks pour la réouverture des librairies Payot dès que le confinement obligé sera levé.

Cannibale lecteur

Loin de se laisser décourager, Pascal Vandenberghe avance avec une ardente patience. « Il faut en effet beaucoup de persévérance », admet-il. « J’obtiens aujourd’hui des choses que je demande depuis quinze ans », explique ce capitaine d’industrie livresque qui signe régulièrement une chronique dans l’hebdomadaire suisse Le Matin Dimanche. Et qui a même trouvé le temps de dresser « la liste de ses envies » en matière de lecture, en signant Cannibale lecteur : Chroniques littéraires et perles de culture (publié aux Editions Favre en 2019).

Si les Anglophones sont choyés chez Payot, qu’en est-il des lecteurs de langue italienne, l’autre communauté nombreuse résidant à Genève et à Lausanne ? « Nous avons un rayon de livres en italien, mais nous n’avons pas le même potentiel qu’avec les Anglophones. Le niveau de lecture chez les Italophones est modeste, par rapport au nombre d’habitants anglophones. C’est aussi une question de milieu social et de niveau d’études », estime Pascal Vandenberghe. Ajoutons que les lecteurs italophones achetaient plus volontiers des livres en italien lors de leurs voyages en Italie ou au Tessin, avant les restrictions de mouvement.

« Nous avons également un rayon de livres en portugais, en espagnol et en russe. Nous ne vendons pas de livres en arabe à Genève car Il y a une librairie arabe (L’Olivier, ndlr). Nous ne sommes pas là pour les embêter. Bien vendre des livres nécessite de parler la langue dans laquelle ils sont écrits. À Genève, nous avons deux libraires russophones et nous recevons des auteurs de toutes les origines, tout en privilégiant les auteurs traduits en français. Nous organisons aussi de nombreuses animations dans le secteur jeunesse », ajoute le président directeur-général de Payot. Gageons que, comme ils le faisaient avant le coronavirus, les jeunes lecteurs envahiront à nouveau allègrement ses librairies. Et qu’ils ne jetteront pas seulement leur dévolu sur la bande dessinée, neuvième art qui fait fureur auprès de toutes les générations, mais également dans tous les autres domaines de lecture.

Pour commander des livres en ligne, site internet de Payot SA : https://www.payot.ch

Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.

Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.

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