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Palestinian Right of Return: A Barrier to Peace?

This article examines whether the right of return for Palestinian refugees complicates peace between Israelis and Palestinians. It highlights historical contexts and current challenges.

Luisa Ballin·
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Le chaud et le froid. La situation au Moyen-Orient connaîtra-t-elle un nouvel élan après le départ de Donald Trump, soutien inconditionnel du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, l’arrivée de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis et l’annonce de l’organisation d’élections dans les Territoires palestiniens ? Ces informations sont tempérées par la communication des autorités israéliennes de nouveaux plans de constructions de logements en Cisjordanie occupée. L’espoir a resurgi lorsque le Secrétaire général de l’ONU António Guterres s’est félicité, le 16 janvier, « du décret présidentiel publié par le Président Mahmoud Abbas pour organiser des élections législatives, présidentielle et du Conseil national palestinien plus tard cette année, à partir de mai. La tenue d’élections en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est et à Gaza, marquera une étape cruciale vers l’unité palestinienne, donnant une légitimité renouvelée aux institutions nationales, y compris un parlement et un gouvernement démocratiquement élus en Palestine ».

Dans sa déclaration, Antonio Guterres a appelé les autorités palestiniennes à faciliter, renforcer et soutenir la participation politique des femmes tout au long du cycle électoral. Il « espère que la tenue des élections contribuera à relancer un processus vers une solution négociée à deux États sur la base des lignes d’avant 1967 et conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU, aux accords bilatéraux et au droit international. Les Nations Unies sont prêtes à appuyer les efforts déployés pour que le peuple palestinien puisse exercer ses droits démocratiques ».

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La déception est venue deux jours plus tard, comme l’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU qui s’est dit « profondément préoccupé par la décision des autorités israéliennes de lancer les plans de construction de quelque 800 logements, la plupart à l’intérieur même de la Cisjordanie occupée ». Le Secrétaire général de l’ONU n’a pas manqué de rappeler que « l’établissement par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucune validité juridique et constitue une violation flagrante du droit international. L’expansion des colonies de peuplement aggrave les risques de confrontation, compromet encore plus le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et érode davantage la possibilité de mettre fin à l’occupation et d’édifier un État palestinien viable et contigu, basé sur les lignes d’avant 1967 ».

Le Secrétaire général de l’ONU a exhorté le Gouvernement d’Israël « à renoncer à ses plans et à revenir sur des décisions qui constituent un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à une paix juste, durable et globale ».

Pendant ce temps, l’Agence de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA – en anglais : United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) créé en 1949 pour l’aide aux réfugiés palestiniens continue de fournir des services éducatifs, sanitaires et sociaux ainsi qu’une aide d’urgence aux quelque 5,6 millions de réfugiés de Palestine dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie.

Un colloque et un ouvrage pour rappeler le sort des réfugiés palestiniens

Le drame des réfugiés palestiniens fait l’objet d’un ouvrage fort bien documenté, avec un titre emblématique : Aux origines du problème des réfugiés palestiniens, qui résume les Actes des Journées de formation continue tenus les 29 et 30 avril 2019 à Lausanne, publié par la Haute école pédagogique du Canton de Vaud (HEP) en 2020. Événement auquel a participé Riccardo Bocco, spécialiste du Proche-Orient et professeur à l’Institut de hautes études et de développement (IHEID-The Graduate Institute) à Genève.

Pour Riccardo Bocco, qui a répondu aux questions de Global Geneva par téléphone, l’importance des journées de formation continue auxquelles il a participé à Lausanne est double. « Ces journées de formation n’ont pas eu lieu dans une enceinte académique classique. Il ne s’est donc pas agi d’un colloque universitaire mais d’un cours de formation continue pour les enseignants des collèges du canton de Vaud. Les quelque 70 professeurs de lycées étaient pour la plupart bien informés sur le conflit israélo-palestinien. Les participants intervenaient les uns après les autres pour parler à ce public d’enseignants, mais les autres intervenants n’étaient pas nécessairement tous dans la salle au même moment ».

Riccardo Bocco ne le cache pas : réunir Israéliens et Palestiniens reste une tâche ardue. « Certains participants ne voulaient pas se rencontrer. Par exemple, Benny Morris et Ilan Pappé étaient dans des hôtels différents. Il y a eu des dîners où nous n’étions pas ensemble. Ces journées de formation étaient primordiales car les meilleurs spécialistes de la question des réfugiés tant du côté israélien que du côté palestinien étaient présents. À noter que Cesla Amarelle (ndlr : Conseillère d’Etat vaudoise, Cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture) avait interdit la tenue du colloque dans un premier temps, sous pression de l’ambassade israélienne à Berne, qui considérait ce colloque partial ».

Après un débat dans la presse, le recteur de la Haute école pédagogique Guillaume Vanhulst a tenu bon et a invité d’autres personnes qui n’étaient pas initialement prévues, pour que ces journées de formation continue puissent avoir lieu au nom de la liberté académique, se souvient Riccardo Bocco.

Des chercheurs, diplomates, écrivains et historiens israéliens, palestiniens, suisses, parmi lesquels Elias Sanbar, Benny Morris, Elias Rafik Khoury, Ilan Pappé, Shlomo Sand, Ilan Greilsammer, Emmanuel Navon, Rosie Pinhas-Delpuech, Jean-Benoît Clerc, Philippe Rekacewicz et Riccardo Bocco ont donné leur avis, détaillé, complémentaire ou contradictoire, concernant la question des réfugiés et déplacés palestiniens. Et l’un d’entre eux a également évoqué la question des déplacés et réfugiés juifs chassés des pays arabes. Le droit au retour des réfugiés et déplacés palestiniens rend-il la paix impossible entre Israéliens et Palestiniens ?

Riccardo Bocco reconnait que « le droit au retour des réfugiés palestiniens est une pierre d’achoppement très importante. Le droit au retour des Palestiniens tel qu’exprimé par la résolution 194 de l’ONU de décembre 1948, qui prévoit le droit au retour et/ou à la compensation, contraste avec le mythe israélien d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Parmi les mythes fondateurs de l’Etat d’Israël, celui de ne pas être responsable d’avoir chassé les Palestiniens est un élément très fort. Pour les dirigeants israéliens, les Palestiniens sont partis à l’appel des pays arabes qui ont envahi la Palestine et parce que les Etats arabes limitrophes d’Israël leur avaient promis qu’ils seraient revenus une fois que les armées arabes auraient chassé les Juifs à la mer ».

Le professeur à l’IHEID-The Graduate Institute relève que « si les Israéliens devaient admettre qu’ils ont chassé des gens et procédé à des expulsions, ils devraient permettre le droit au retour des Palestiniens et les compenser pour les torts subis. Ce que les dirigeants israéliens n’ont aucune intention de faire. Israël a créé un droit au retour, la célèbre Alyah (ndlr : la « montée » vers Israël), pour les Juifs du monde entier qui ont été chassés par des Etats arabes ou ont décidé de les quitter : des Juifs yéménites, algériens, tunisiens, marocains, irakiens, iraniens, libanais et syriens. Le droit au retour sur la terre sainte prévue par le nouvel État juif s’applique pour eux. La fuite ou le déplacement forcé des Juifs dans les pays arabes doit être mis en relation avec la guerre de 1948 et l’exode forcé des Palestiniens. Parce que, jusque-là, il n’y avait pas pour les Juifs orientaux, pour les Juifs sépharades, de problème de cohabitation avec les populations arabes et les autres habitants de l’Empire ottoman et après la fin de l’Empire ottoman ».

Le malaise des dirigeants occidentaux, arabes et israéliens

« Lié à tout cela, il y a la peur des Israéliens de devenir une minorité démographique dans un Etat qui se veut juif et démocratique. Pour les Israéliens, l’Afrique du Sud est un exemple : il ne faut jamais être une minorité démographique, sinon, on risque de perdre le contrôle, comme les Blancs en Afrique du Sud du temps de l’apartheid », résume le professeur italo-genevois.

Riccardo Bocco n’occulte pas le malaise des dirigeants des pays occidentaux, des pays arabes et du gouvernement israélien face à la tragédie des réfugiés palestiniens, que l’écrivain franco-israélien Ilan Greilsammer a résumé ainsi dans le livre publié par la HEP vaudoise: «L’Histoire nous enseigne clairement que seule la possibilité d’avoir un État, un État qui vous protège, permet la survie d’un peuple. C’est vrai pour les Juifs, comme pour les Arméniens, les Yezidis ou les Palestiniens. Pour cette raison, la création d’un Etat juif sur une partie de sa terre ancestrale, je dis bien une partie, me semble un acte de justice universelle, absolue et indéniable au regard des crimes que les nations ont commis envers ce peuple. Mais comme d’autres cas historiques, cet acte de justice s’est doublé d’une terrible injustice à l’égard du peuple arabe de Palestine, chassé de la terre sur laquelle il vivait lors de l’arrivée des Juifs, et quelles que soient les circonstances exactes de son exode dont débattent les historiens ».

Des cas historiques, Riccardo Bocco en évoque quelques-uns. « Il s’agit de conquérir une terre et d’en éjecter la population indigène. Ce qu’ont fait les colons blancs en Amérique du Nord, en commettant un génocide contre les Indiens d’Amérique du Nord ; ce qu’ont fait les Anglais en Australie, avec les aborigènes ; ce qu’ont fait les Boers en Afrique du Sud. S’agissant des Israéliens, cela se passe après l’Holocauste. Tout le monde est d’accord sur le fait que les Juifs ont droit à un Etat. Les Palestiniens l’ont reconnu en 1993 en signant les Accords d’Oslo. La question est de dire ce qu’implique la création d’un État qui se fait aux dépends d’une population indigène que les gouvernements israéliens ne reconnaissent pas et qu’ils ne veulent pas appeler Palestiniens, mais qu’ils nomment simplement des Arabes. Du point de vue des dirigeants israéliens, de Golda Meier à Benjamin Netanyahou, les Palestiniens sont des Arabes et ils n’ont qu’à aller vivre parmi d’autres Arabes ».

L’UNRWA sur la sellette

Plus de 70 après sa création, l’UNRWA, l’agence de l’ONU qui vient en aide aux réfugiés palestiniens, fait-elle « partie de la solution ou du problème » israélo-palestinien comme l’avait évoqué le Conseiller fédéral Ignazio Cassis en 2018. La Suisse contribue au budget ordinaire de l’UNRWA, employeur de près de 28’000 personnes dans la région dont la plupart sont des réfugiés de Palestine, à hauteur d’environ 20 millions de francs par an.

Riccardo Bocco estime que «l’UNRWA montre que le problème des réfugiés palestiniens n’a pas été résolu et que la résolution 194 de l’ONU n’a jamais été appliquée. « L’UNRWA existe par la volonté des Etats qui l’ont créée et qui la financent, pour apporter une aide humanitaire aux réfugiés palestiniens de 1948 et à leurs descendants. Cette pratique, légale du droit international, n’est pas exclusive de l’UNRWA qui, depuis 1948, assiste des réfugiés de quatre générations. Le HCR vient aussi en aide à des réfugiés prolongés (en anglais : protracted refugees) issus de pays dont le conflit n’a pas été résolu. Et notamment un million huit cents mille réfugiés afghans vivant entre le Pakistan, l’Iran et le Tadjikistan, puisque depuis 1978, l’Afghanistan n’a pas connu de solution à son conflit politique interne. Dans ce cas aussi, le HCR continue d’assister des réfugiés de plusieurs générations ».

Riccardo Bocco l’affirme : « Le problème n’est pas l’UNRWA ou les réfugiés. Le problème est le manque de volonté politique des décideurs internationaux qui préfèrent utiliser un instrument « temporaire » comme l’UNRWA, plutôt que d’empoigner le problème et d’y apporter une solution politique. Pour les réfugiés palestiniens c’est une question de justice, plus que de véritable envie de retourner en Palestine pour s’y réinstaller ».

La Suisse a-t-elle changé d’approche?

La Suisse, qui a toujours joué un rôle important dans la recherche d’une solution pacifique du conflit israélo-palestinien, lors notamment du lancement de l’Initiative de Genève le 1er décembre 2003, soutenue par l’alors ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, a-t-elle changé d’approche ? « S’agissant du Conseiller fédéral Ignazio Cassis, en charge des Affaires étrangères, il a pris position contre l’UNRWA en faisant écho, en 2018, aux propos prononcés auparavant par Jared Kushner (ndlr : le beau-fils et conseiller du président sortant des Etats-Unis Donald Trump). M. Cassis a notamment essayé de mettre sous le tapis des questions comme l’aide suisse à l’UNRWA, parce que la question des réfugiés palestiniens ennuie profondément les dirigeants israéliens. Mais au sein du ministère des Affaires étrangères suisse, tout le monde ne s’aligne pas sur ses positions », note Riccardo Bocco.

Pour le professeur de l’IHEID-The Graduate Institute « la politique suisse reste sur une ligne qui ne renonce pas aux engagements antérieurs, même si, dans le plan quadriennal, M. Cassis n’a pas octroyé quatre ans d’engagement d’aide à l’UNRWA, comme cela se faisait auparavant, mais deux ans, souhaitant ainsi voir, après deux ans si l’UNRWA tient les engagements de réformes pris ».

Le défi de l’UNRWA, reprise en main par Philippe Lazzarini après la démission de Pierre Krähenbühl, tous deux citoyens suisses, est-il de se réformer au plus vite ? « Depuis que je connais l’UNRWA, elle est sans cesse sous pression des pays donateurs pour qu’elle se réforme. Cela pourrait être le cas de toutes les agences onusiennes d’ailleurs, mais étant donné les implications politiques de l’existence de l’UNRWA, la pression est d’autant plus forte. Le défi pour l’UNRWA est de savoir si elle continuera d’exister dans la mesure où elle n’a pas un fonds onusien important qui lui permette de vivre indépendamment des pays donateurs. La première chose que Philippe Lazzarini doit faire est d’assurer financièrement l’existence de l’UNRWA. Et en cette fin du mois de janvier, il n’est pas sûr que l’agence onusienne qui vient en aide aux réfugiés palestiniens puisse payer les salaires des 28’000 personnes qu’elle emploie », constate Riccardo Bocco.

Deux conférences en perspective?

Une possible conférence internationale sur l’avenir de l’UNRWA pourrait avoir lieu au printemps 2021, après une conférence qui serait organisée à la demande de l’Autorité palestinienne, parrainée par des Etats européens, France, Grande-Bretagne et Allemagne notamment, quant à la solution du conflit israélo-palestinien et à la création d’un État palestinien. S’agissant de cette hypothétique conférence sur l’agence qui vient en aide aux réfugiés palestiniens, la Norvégienne Leni Stenseth, Commissaire générale adjointe de l’UNRWA, a commencé à contacter les divers pays donateurs pour demander des fonds afin de préparer cette conférence, indique Riccardo Bocco. Pour prôner des réformes ? « On peut toujours être novateur et plus créatif. Pour moi, au lieu de réformer l’UNRWA, il faudrait réformer les donateurs et les décideurs politiques, pour savoir quand ils se décideront à empoigner sérieusement le problème des réfugiés palestiniens et non pas de baisser la tête devant le bon vouloir des dirigeants israéliens », conclut Riccardo Bocco.

À lire : Aux origines du problème des réfugiés palestiniens – Actes des Journées de formation continue des 29 et 30 avril 2019 à Lausanne, publié en 2020 par la Haute école pédagogique du Canton de Vaud (HEP).

Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.

Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.

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