Vous êtes actif dans la campagne électorale au Chili, dont le second tour aura lieu le 19 décembre. Pourquoi ?
Parce que cela me parait nécessaire. Je soutiens Gabriel Boric, un homme jeune et cultivé, avec une formation humaniste. Il propose un projet intéressant, une alternative crédible, après que 78% des votants chiliens se sont prononcés en faveur d’une nouvelle Constitution qui remplacera celle adoptée sous la dictature du général Pinochet.
José Antonio Kast, le candidat de l’extrême-droite, est arrivé en tête du premier tour devant Gabriel Boric, candidat d’une gauche plurielle. Avez-vous été surpris ?
Je suis pour le moins étonné par ce résultat, après le vote des Chiliens pour une Assemblée constituante qui intègre les femmes, les peuples indigènes, les minorités sexuelles. Je ne sais pas dans quel piège idéologique est tombée une partie de la population chilienne, mais je crois que la peur peut expliquer bien des choses.
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Vous êtes un acteur de théâtre et de cinéma apprécié de la critique et du public. Comment expliquer votre engagement en tant que citoyen ?
J’ai été éduqué dans le système public chilien, par mes parents ainsi que par les écoles et l’université où j’ai étudié. Faire du cinéma n’est pas une question de vanité ou de narcissisme, mais le désir de collaborer à un projet. Ma première question lorsque j’aborde un synopsis et que je travaille avec un ou une cinéaste est : quel est le rôle de ce film ? Que représente ce personnage politiquement ? Comment susciter l’émotion du public ? Viennent ensuite l’histoire et les anecdotes. Je suis engagé avec les processus sociaux, parce que je crois en eux. Ils sont nécessaires. Cela m’émeut de comprendre la lutte pour un monde meilleur, équitable, solidaire, de fraternité et non de haine.
N’avez-vous jamais été tenté d’entrer en politique ?
Non, cela m’effraie. C’est un monstre que je ne veux pas jouer ! Car toute la machinerie politique, notamment celle de l’extrême-droite, est sinistre. Au Chili, il y a un candidat à la présidence avec une idéologie nazie. Et les vieux politiciens accrochés au pouvoir me font tout autant peur. Le pouvoir est un vice lié à la corruption, au narcissisme et cela ne m’intéresse pas.
Le cinéma peut-il contribuer à changer le monde ?
Oui, le cinéma peut contribuer à changer le monde ! Un film produit chez une personne une sorte de chaîne de la mémoire active indélébile. Il ne s’agit pas seulement de voir un film et de l’oublier, il s’agit d’activer une mémoire de la personne.
Vous étiez acteur et metteur en scène de théâtre, puis vous êtes devenu acteur de cinéma à 52 ans. Vous avez aussi eu du succès dans des séries télévisées. Avec vos personnages, vous vous transformez physiquement et changez de personnalité. Comment faites-vous ?
Je ne sais pas. J’ai un petit théâtre de cent personnes au Chili depuis plus de vingt ans. J’ai travaillé avec une amie psychanalyste et j’ai fait une psychanalyse pendant plusieurs années. Cette amie m’a dit que je métabolise mes rôles, que je les passe dans le sang, lieu de mémoire où se trouve l’histoire et les antécédents qui peuvent expliquer une vie. J’ai gardé cette conception que j’ai comprise et qui m’a ému. Lors d’un symposium sur le corps, la mémoire, l’art et la création à Cambridge, j’ai écrit un texte sur ce thème et sur le troisième corps. Pour interpréter un personnage, je convoque ce troisième corps.
Vous n’interprétez pas seulement des personnages sympathiques, mais aussi des personnages ambigus, avec un côté obscur…
On peut dire que je n’ai interprété que des monstres ! Ce qui m’intéresse, comme spectateur d’un film ou lecteur d’une pièce de théâtre c’est de comprendre comment le personnage pense et non comment il joue. Je métabolise sa façon d’être et de penser.
Vous êtes une sorte de psychanalyste des rôles, comme votre personnage dans le film La Cordillera-El Presidente, réalisé par Santiago Mitre ?
En quelque sorte ! La psychanalyse m’intéresse beaucoup. Elle est née avec Freud et d’autres hommes et femmes qui ont analysé un sujet à partir des rêves, du subconscient : le socialisme qui nait pour interpeller la société, le féminisme qui surgit pour interpeller les masculinités et les institutions. Je dois être dans cette lutte constante.
Vous venez de tourner un film en Italie, La Californiade la réalisatrice Cinzia Bomoll. Plus qu’un film pour vous ?
Oui, c’est un film intéressant, tourné dans la commune de Sant’Agata Bolognese. Cela m’enchante de croiser des imaginaires. Ce village italien pourrait être situé au Chili. Je joue un exilé chilien qui a un fils italien. C’est un petit rôle, très beau, émotionnel. Et ma fille s’appelle Agatha ! J’ai été émerveillé par Marguerite Duras en découvrant son œuvre de théâtre intitulée Agatha, comme ma fille, qui est sociologue.
Votre prochain rôle ?
Je jouerai dans un film du réalisateur argentin Diego Lerman, dont le tournage aura lieu à Buenos Aires.
Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.
Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.
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