C’est au nom des valeurs humanitaires enracinées à Genève, Cité de paix, du dialogue et des droits de l’Homme que cet appel est lancé, affirment les signataires. Julian Assange, dont la santé s’est gravement détériorée, fait l’objet d’une demande d’extradition des Etats-Unis, pays où il risque une condamnation à 175 ans de prison pour violation de la loi sur l’espionnage (Espionage Act) et pour avoir mis des sources en danger. Un premier refus de l’extrader, prononcé le 4 janvier dernier par la justice britannique était uniquement motivé par le risque de suicide du prévenu dans le système carcéral américain et fait actuellement l’objet d’un recours.
Les quelque 700’000 documents classifiés et rendus publics par le fondateur de WikiLeaks, souvent en collaboration avec des médias internationaux, ont révélé des bavures militaires en Iraq et en Afghanistan, et notamment le massacre en 2007 d’une dizaine de civils dont deux journalistes par l’armée américaine. La vidéo de cette attaque menée par hélicoptère a été diffusée en 2010 avec un retentissement mondial.
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L’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis aurait des effets dévastateurs pour la liberté de la presse. « Il a perdu sa liberté pour protéger la nôtre » a résumé la Maire de Genève Frédérique Perler. « Soit il retrouve la liberté, soit il perd la vie », a déclaré l’avocate Stella Morris, fiancée de Julian Assange et mère de leurs deux enfants ». « Son seul crime est d’avoir dit la vérité », ont renchérit les autres personnalités présentes, parmi lesquelles le conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS/GE), Blaise Lempen, le secrétaire général de la Presse Emblème Campagne (PEC), l’ancien député genevois et initiateur de l’idée de visa suisse pour Assange Jean Rossiaud, Antoine Vey, l’avocat de Julian Assange, l’ancien directeur du CICR Yves Daccord, le secrétaire général de Reporters Sans Frontières Christophe Deloire, ainsi que le Rapporteur spécial de l’ONU contre la torture, le Suisse Nils Melzer, qui a accordé un entretien à Global Geneva.
Nils Melzer, Rapporteur spécial de l’ONU contre la torture :
« Julian Assange n’a d’autre tort que d’avoir dit la vérité »
Vous avez écrit récemment un ouvrage sur le cas Assange. Pourquoi soutenez-vous l’Appel de Genève pour la libération de Julian Assange ?
Fondateur de WikiLeaks, Julian Assange a exposé des atrocités qui ont été commises et des crimes de guerre, raison pour laquelle il est menacé d’une peine de 175 ans aux Etats-Unis. Je lui ai rendu visite dans la prison où il est détenu. Sa santé s’est gravement détériorée. Les conditions de détention de Julian Assange relèvent de la torture psychologique et de traitements inhumains. Julian Assange n’a d’autre tort que d’avoir dit la vérité. Nous demandons à la Suisse de lui accorder un visa humanitaire pour qu’il puisse y être soigné.
Vous avez demandé à être reçu par la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Mme Michelle Bachelet. A-t-elle refusé de vous voir ?
Mme Bachelet n’a pas refusé ouvertement. Elle a trouvé des excuses pour ne pas me rencontrer. Je ne peux pas parler pour elle. Je vous recommande de lui poser la question. Mon interprétation est qu’elle est vraiment sous pression.
Qui fait pression sur elle selon vous ?
La pression peut venir des Etats-Unis, mais aussi de la Grande-Bretagne, deux grandes puissances. La Haut-Commissaire aux droits de l’Homme est nommée pour confronter les autorités, les puissants, avec la vérité. Et pour défendre les peuples. Son histoire personnelle devrait la sensibiliser au cas de Julian Assange. Elle a été une prisonnière politique a un moment donné de sa vie au Chili. Elle devrait avoir le courage de défendre le cas Assange. Confronter les puissants à la vérité est l’essence même de sa fonction. Son attitude est décevante.
Vous avez évoqué l’affaire Dreyfus. En quoi le cas de Julian Assange est-il comparable à celui du capitaine Dreyfus en France ?
En France, il y avait une conspiration parmi les puissants pour accuser faussement Dreyfus, pour culpabiliser un homme qui était innocent. À l’époque, Emile Zola, avec sa fameuse lettre J’accuse a dénoncé cela. Nous sommes ici pour accuser les puissants d’abuser de leur pouvoir, pour diaboliser une personne dont le crime a été de dire la vérité. Les parallèles sont là.
Les Nations Unies et le Conseil des droits de l’Homme pourraient-ils un jour être considérés coupables de n’avoir rien dit sur l’erreur judiciaire de garder Julian Assange en prison sans une culpabilité clairement définie ?
Ils le sont déjà, non pas l’Organisation des Nations Unies en tant que telle qui ne détient pas Julian Assange. Mais quatre de ses États membres imputés dans ce cas : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Suède et dernièrement aussi l’Equateur sont coupable de cette erreur judiciaire et d’abus de pouvoir.
Craignez-vous de subir des pressions à cause de votre soutien à l’Appel de Genève pour la libération de Julian Assange ?
On ne va pas me mettre sous pression directement. Mais probablement que ma carrière à l’ONU va prendre fin après ce mandat, qui s’achèvera en octobre 2022. Je ne m’attends pas à avoir le soutien des grandes puissances pour pouvoir progresser dans ma carrière. Mais finalement, ce que je dis toujours à mes étudiantes et étudiants est que si vous devez choisir entre votre intégrité et une fonction, il faut toujours choisir l’intégrité. Parce que si vous perdez votre intégrité pour une fonction, vous aurez tout perdu. Alors que si vous perdez une fonction pour protéger votre intégrité vous aurez tout gagné.
La Suisse va-t-elle continuer de vous soutenir ?
La Suisse est le seul pays qui me soutient encore.
À voir aux Bains des Pâquis de Genève :
L’installation itinérante « AnythingToSay ? » (« Quelque chose à dire ? ») du sculpteur italien Davide Dormino, dédiée aux lanceurs d’alerte Edward Snowden, Chelsea Manning et Julian Assange, a été installée sur la jetée des Pâquis face au Jet d’eau de Genève. Le public peut l’admirer et découvrir une exposition dédiée aux lanceurs d’alerte.
L’Appel de Genève pour libérer Assange est ouvert à la signature sur le site du Club suisse de la presse : www.pressclub.ch
Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.
Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.
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