Logo

Demande d'enquête sur l'assassinat de Lokman Slim

Monika Borgmann, veuve de Lokman Slim, milite pour une enquête indépendante sur l'assassinat de son mari, soulignant l'impunité au Liban et l'importance de la justice internationale.

Luisa Ballin·
Article featured image

Quel est le but de votre visite en Suisse ?

Je suis en Suisse pour activer, avec un groupe d’amis, Umam Switzerland, petite sœur suisse de l’association que nous avons fondée au Liban. L’autre but de mon voyage est de participer à la projection de notre film Massaker au Graduate Institute, dans le cadre du Festival international du film oriental de Genève (FIFOG), mardi soir, qui sera suivie d’une discussion animée par le professeur Riccardo Bocco.

Quel est le thème de ce documentaire que vous avez coproduit ?

Massaker (ndlr : primé notammentàVisions du Réel à Nyon en 2005) a bénéficié d’unecoproduction allemande, suisse, française et libanaise. Lokman Slim et moi étions les coproducteurs et les codirecteurs de ce film qui fait le portrait de six hommes ayant participé au massacre dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Shatila en septembre 1982 au Liban.

Vous souhaitez une enquête internationale concernant la mort de votre mari Lokman Slim au Liban. Pourquoi ?

Je demande surtout une enquête indépendante ! J’ai rencontré Lokman il y a vingt ans, en juin 2001. Au centre de notre travail, il y a toujours eu le combat contre la culture de l’impunité qui règne au Liban. Aujourd’hui, tragiquement, il faut continuer de faire ce travail sans lui, pour lui. Une enquête a eu lieu au Liban, sans résultat. La justice libanaise n’est pas très indépendante. Plusieurs assassinats politiques ont eu lieu au Liban et jamais un coupable n’a été identifié. J’ai donc demandé qu’il y ait une enquête indépendante et internationale. Trois Rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU vont enquêter sur l’assassinat de Lokman. C’est une première pour le Liban. Cela n’avait jamais existé et ce fait me donne beaucoup d’espoir.

Edition Française. Global Geneva is including French-language articles on ‘international Geneva’ themes as part of its worldwide outreach to Francophone audiences. A reminder: our content is available free worldwide in the public interest. If you like what we do, please become a Support Member of Global Geneva Group, our Swiss non-profit association, or DONATE.

Qui a tué votre mari et pourquoi ?

C’est précisément pour répondre à ces questions que je demande une enquête indépendante ! Non seulement pour que les responsables soient traduits en justice, mais aussi pour comprendre pourquoi cet assassinat est arrivé et qui a donné l’ordre que cela arrive.

Votre mari était menacé ?

Oui, mon mari a dit qu’il était menacé par le Hezbollah. En décembre 2019, il a publié une lettre ouverte dans les médias libanais affirmant que si quelque chose lui arrivait il en tiendrait pour responsable Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah.

Vous sentez-vous en sécurité au Liban ?

Je ne me pose pas vraiment la question. J’ai la double nationalité allemande et, depuis dix ans, libanaise. Je considère que je suis chez moi au Liban. Je continue de vivre dans notre maison à Beyrouth et de travailler avec notre organisation Umam Documentation and Research depuis quinze ans. Ce travail ne va pas s’arrêter.

Qu’attendez-vous de la Suisse ?

Je suis de passage en Suisse, pays avec lequel nous avons une longue relation. La Suisse a distribué notre premier documentaire Massaker ainsi que notre deuxième film Tadmor qui évoque un groupe d’hommes ayant passé des années en prison en Syrie et subi le traumatisme de la torture. Umam a aussi une relation avec la Suisse concernant les archives. Nombre de nos projets ont été subventionnés grâce au Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Nos archives se trouvent au Liban, mais nous faisons partie du projet Safe Havens for Archives at Risk initié par SwissPeace. Dans le cadre de ce projet, et avec le Prof. Riccardo Bocco, nous réfléchissons à la manière de faire connaître les archives de Umam également en Suisse.

Vous continuez vos activités de réalisatrice et de productrice ?

Pour le moment, je m’occupe avant tout de Umam. J’ai un peu abandonné mes activités de productrice et j’aimerais reprendre mon travail de réalisatrice lorsque j’aurai plus de temps.


Comment décrivez-vous la situation au Liban ?

La situation au Liban devient chaque jour plus catastrophique. Je ne sais pas comment nous faisons là-bas. Pour vous donner un exemple, il n’y a plus de benzine pour les véhicules. Les gens dorment devant les stations d’essence. Le système bancaire, le système judiciaire et le système politique se sont effondrés. C’est très difficile d’imaginer une solution seulement pour le Liban, parce que le destin et l’histoire du Liban sont extrêmement liés à ce qui se passe en Syrie, en Irak et en Iran. Chercher une solution seulement pour le Liban est impossible, cela n’aurait aucun succès. Il faut une sorte de plan Marshall pour toute la région.

La Suisse peut-elle offrir ses bons offices à l’organisation d’une conférence de paix pour le Moyen-Orient par exemple ?

Certainement ! C’est le rôle historique que la Suisse a joué et continue de jouer.

Allez-vous rencontrer des personnalités du monde politique ou diplomatique ?

Oui, j’ai quelques rendez-vous et je vais utiliser ces rendez-vous pour pousser à la création d’une commission indépendante afin d’en savoir plus sur l’assassinat de mon mari Lokman Slim.

À voir : Massaker, film de Monika Borgmann et Lokman Slim

Mardi 22 juin à 18h00, projection suivie d’un débat animé par le Prof. Riccardo Bocco, dans le cadre du FIFOG, en présence de Monika Borgmann et Jean Perret.

IHEID-The Graduate Institute – Maison de la Paix – Auditoire Ivan Pictet – Genève

Inscription : https://www.graduateinstitute.ch/communications/events/massaker

Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.

Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.

Related articles in Global Geneva

Afghanistan: time for a more representative peace with Swiss mediation
International Switzerland’s gold mine of knowledge: an unexploited global asset
Femmes en Suisse et dans le monde: – – – ce désir d’égalité qui est un droit
The 2021 Martin Ennals Award: Yu Wensheng of China
The case for letting go of humanitarian reform