ÉDITION FRANÇAISE: « Bien des années avant 1830, dans le temps où nos armées parcouraient l’Europe, le hasard me donna un billet de logement pour la maison d’un chanoine : c’était à Padoue, charmante ville d’Italie ; le séjour s’étant prolongé, nous devînmes amis », écrivait Stendhal dans son roman La Chartreuse de Parme.
Shakespeare l’avait tout aussi bien dit avant lui : « Fair Padua, nursery of arts ». Située au nord de l’Italie, dans la plaine du Pô, à une quarantaine de kilomètres de la cité des doges, bordée par les fleuves Brenta et Bacchiglione, Padoue, haut lieu de culture, foi, sciences et idées nouvelles, vante des édifices emblématiques, comme la basilique de Saint-Antoine et le palais Bo (Palazzo Bo), siège, depuis 1493, de la deuxième plus ancienne université italienne (après celle de Bologne), officiellement fondée en 1222.
L’Università degli Studi di Padova est mondialement connue pour sa faculté de médecine et son théâtre anatomique permanent, premier dans son genre, construit en 1594, doté d’une structure en bois en forme de cône ellipsoïdal renversé. Composé de six étages concentriques pour les gradins, il était utilisé à l’époque pour assister aux autopsies et le sera à des fins d’enseignement jusqu’en 1872.
Editorial Note: This article is part of our new focus series on the Greater Mediterranean Region exploring issues ranging from cultural heritage to climate change. For more information, please see LINK/ Cet article fait partie notre nouvelle série de focus de Global Insights sur la Grande Région Méditerranéenne explorant des questions allant du patrimoine culturel au changement climatique. Pour plus d’informations, veuillez consulter LIEN.
L’une des plus belles salles du Palazzo Bo accueille des étudiants en médecine ou venant d’autres facultés pour y soutenir leur thèse. Anciennement, elle était la salle dédiée aux cours théoriques d’anatomie. Le scientifique Nicolas Copernic, né de père polonais et de mère allemande, y a fait ses études de médecine et de droit.
Padoue comptait auparavant une école de droit très respectée, mais les véritables fondateurs de son université réputée furent des professeurs et étudiants visionnaires, dont nombre d’entre eux avaient quitté la conservatrice université de Bologne.
Dès la fin de la République de Venise en 1797, après l’occupation des troupes de Napoléon Bonaparte et au moment de l’unité italienne en 1866, l’université de Padoue joua un rôle primordial grâce à des enseignants et étudiants qui prirent part au Risorgimento, mouvement prônant l’indépendance de l’Italie.
La Salle des Quarante du Bo rend d’ailleurs hommage à 40 étudiants célèbres, venus de différents pays d’Europe étudier à Padoue, dont les portraits peints par Giangiacomo dal Forno, en 1942, rappellent leur engagement. Cette salle fait également la part belle à la chaire de Galilée, le célèbre mathématicien, physicien et astronome pisan. Au XVIIe siècle, Galileo Galilei a décrit ses dix-huit années d’enseignement à l’université de Padoue « la plus belle période » de sa vie.
L’Aula Magna est également à ne pas manquer, tout comme une halte au pied de l’un des deux grands escaliers du palais, pour admirer la statue dédiée à la première femme licenciée au monde : Elena Lucrezia Cornaro Piscopia, qui y reçu le titre de docteur en philosophie en 1678.
La griffe d’architectes de renom est également visible au Palais Bo. L’Ancienne Cour, initiée en 1546, est l’un des plus beaux édifices de la Renaissance. Sa Nouvelle Cour fut aménagée, entre 1939 et 1942 par Ettore Fagiuoli. Sans oublier la touche du célèbre architecte et designer Gio Ponti, qui, dans les années 1940, créa une grande partie du mobilier, le sol en terrazzo, les hautes portes en bois, ainsi que la fresque de « l’escalier du savoir », réussissant une belle harmonie entre couleurs des marbres des contremarches et teintes des scènes représentant l’histoire de l’humanité et de la culture. Immortalisant ainsi une palette des savoirs et l’élégance à l’italienne.
Antre de penseurs, bâtisseurs et précurseurs, l’université de Padoue est aussi célèbre pour sa faculté de philosophie. Une génération d’étudiants se souvient que Toni Negri y enseigna dans les années 1970, connues comme « les années de plomb » en Italie. Essayiste et homme politique, co-fondateur des mouvements de gauche Potere Operaio (Pouvoir ouvrier) puis Autonomia Operaia (Autonomie ouvrière), Toni Negri est arrêté en 1979, suite à l’assassinat du dirigeant de la Démocratie chrétienne Aldo Moro par les Brigades rouges.
Accusé d’association subversive et d’insurrection armée contre les pouvoirs de l’État, il sera incarcéré durant quatre ans et demi, sans procès. Élu député du Parti radical, en juin 1983, Toni Negri sortira de prison grâce à l’immunité parlementaire. Il s’exilera à Paris, peu avant la levée de son immunité. Il enseignera à l’université de Paris-VIII et au Collège international de philosophie. En 1997, le philosophe retournera en Italie où il est à nouveau incarcéré, puis placé en semi-liberté à partir de 1999. Il retrouvera la liberté en 2004.
Padoue est plus connue encore grâce à la magnifique chapelle des Scrovegni (Cappella degli Scrovegni), de style gothique, qui abrite les fabuleuses fresques peintes entre 1304 et 1306 par le peintre et architecte toscan Giotto di Bondone. Scènes de la vie de Jésus-Christ et de sa mère Marie, commandées au virtuose de la grâce picturale par le banquier Enrico Scrovegni, fils d’un usurier de Padoue que l’écrivain Dante Alighieri, auteur de la Divine Comédie, avait précipité en Enfer, dans le chant 17 de l’ouvrage culte de la littérature italienne. Les œuvres de Giotto furent à l’origine d’un tournant de la peinture.

Après avoir contemplé Giotto sotto le stelle (Giotto sous les étoiles), une pause au fameux Caffè Pedrocchi s’impose, pour y déguster un calice de prosecco, le vin pétillant de la région que l’on boit sous toutes les latitudes, accompagné de quelques cicheti, bouchées typiques de la cuisine vénitienne, et finir avec Lo Zabaione di Stendhal en guise de douceur. Hier repaire de révolutionnaires, intellectuels, bourgeois, étudiants et enseignants, ce café historique reste le lieu de rendez-vous privilégié des Padouans et des vacanciers à l’heure de l’apéritif.
Le centre historique de Padoue incite à une balade nocturne, entre la place des Seigneurs (piazza dei Signori), où trône en majesté sa fameuse horloge, la place des Fruits et celle des Herbes, pour un dîner ou un dernier verre au clair de lune.
Au petit matin, rendez-vous à Porta Portello et départ pour une croisière sur le fleuve Brenta, à bord d’un bateau de la compagnie Burchiello, avec passage d’une écluse, visite de quatre maisons de maître dites Ville venete, et d’un musée de la chaussure, avant de déjeuner au restaurant Il Burchiello à Mira, pour y déguster un menu à base de poissons, arrosé d’un vin blanc local, avec en dessert une salade de fruits locaux de saison et boule de glace Fior di latte, non sans terminer par un café corsé.
Compte tenu du faible niveau des eaux dû à la sécheresse qui frappe la Vénétie et le reste de l’Europe cet été, la croisière débute à Dolo ou Mira, le long de la suggestive Riviera du Brenta, riche de la beauté de son paysage et de son patrimoine artistique.
Architecture, histoire, culture, nature. Le long du naviglio Brenta, entre Venise et Padoue, les familles de l’aristocratie vénitienne firent construire des demeures splendides, entre le Cinquecento et le XVIIIe siècle pour jouir de la fraicheur, loin de la canicule de la lagune, et y passer des vacances en pleine nature dédiées aux plaisirs, reflet de leur richesse et pouvoir, spécialement celles qui avaient donné un doge à la Sérénissime.
Le départ, après un apéritif aux Molini del Dolo, se fait en autocar climatisé privé, avec une guide qui distille non sans humour anecdotes et références historiques. Un peu plus tard, visite de la Villa Foscarini Rossi à Stra, pour admirer non seulement l’intérieur de cette somptueuse demeure dotée d’une foresteria avec bachessa, un salon des fêtes et des fresques datant de 1652, mais également d’un Museo della Calzatura attenant.
Écrin dédié à l’épopée de la chaussure, la collection compte plus de 1500 modèles : escarpins, sandales et bottes féminines, fabriqués depuis 1947 par des artisans de Rossimoda, l’entreprise de Gino Rossi sise dans la région. Cette collaboration entre la famille Rossi et des marques de luxe telles que Dior, Yves St-Laurent, Christian Lacroix, Pierre Cardin, Vuitton, Prada et tant d’autres illustre la tradition de confection de la chaussure haut de gamme de la Riviera du Brenta.
À dix minutes à pied de la Villa Foscarini Rossi se trouve la Villa Pisani de Stra, son immense parc et ses intérieurs. Un des sites internet présentant les Ville venete rappelle que le voyageur qui entreprenait, dans les années 1700, le traditionnel Grand Tour d’Italie, à bord du burchio – embarcation typique de cette riviera méconnue – tout comme les nobles vénitiens remontaient le Brenta, en barque ou en gondole, de Venise à Padoue pour admirer des joyaux du baroque vénitien.
La majestueuse villa des nobles Pisani, devenue musée national, a accueilli dans ses 114 pièces des doges, rois et empereurs. Elle conserve des meubles et des œuvres d’art, dont Gloire de la famille Pisani, fresque peinte par Gianbattista Tiepolo sur le plafond de la salle de bal. Le parc, le Café à l’Exèdre et le labyrinthe de haies séduisent par leur architecture originale.
La navigation sur le Brenta, à bord de la motonave Burchiello ou Rialto, propose également la visite de la Villa Seriman, Foscari Widmann Rezzonico. Construite au début des années 1700, par la volonté des Seriman, famille de nobles vénitiens d’origine persane, elle fut rachetée par la famille Widmann qui la modernisa dans le style rococo français. Le corps central et le parc devinrent des lieux de réceptions, fêtes, promenades et apartés galants.
Découverte ensuite de la Villa Foscari. Surnommée La Malcontenta (La Mécontente), conçue par l’architecte Andrea di Pietro della Gondola, dit Palladio, né à Padoue en 1508 et mort à Vicence (Vicenza) en 1580, bâtisseur incontournable de la Renaissance italienne.
Érigée entre 1550 et 1560, à quelques mètres de l’embarcadère de Fusina, pour les frères Nicolò et Alvise Foscari, membres d’une influente famille vénitienne dont le nom résonne avec Ca’ Foscari, l’université de Venise, La Malcontenta conjugue l’art et la maitrise de Palladio pour obtenir des effets monumentaux avec les matériaux dits pauvres que sont le plâtre et la brique.
La Malcontenta, ainsi appelée, dit-on, en souvenir d’Elisabetta Dolfin, épouse de Nicolò Foscari, accusée d’avoir mené une vie dissolue qui finira recluse dans la villa. Ou, plus simplement que Malcontenta serait la contraction de « mal contenuta » (mal contenue), en référence à la rivière Brenta qui débordait souvent. Cette somptueuse résidence fut ensuite laissée à l’abandon pendant des siècles.
En 1924, Albert dit Bertie Landsberg, gentleman anglais d’origine juive et de passeport brésilien, acheta la villa qui reprendra du lustre en 1926. Paul Rodocanachi, la baronne Catherine d’Erlanger et lui prendront en charge la restauration de La Malcontenta. Des personnalités de la culture, des avant-gardes et de la politique : Serge Diaghilev, Misia Sert, Serge Lifar, Robert Byron, Le Corbusier, Paul Morand et Winston Churchill y séjourneront, tout comme d’autres célébrités qui fréquentaient la Mostra du Cinéma au Lido de Venise. L’introduction des lois raciales contre les Juifs par le régime de Mussolini et l’entrée en guerre de l’Angleterre contre les nazis allemands mirent fin à la fréquentation de cette maison de maître par les grands noms de l’aristocratie et du monde des arts.
La villa reviendra dans la famille de ses premiers propriétaires. L’architecte Antonio Foscari, descendant de la famille vénitienne qui l’avait projetée, l’achètera en 1973. Son livre Tumult and Order La Malcontenta 1924-1939 (Lars Müller Publishers, 2012), traduit en italien Tumulto e Ordine. Malcontenta 1924-1939 (Mondadori Electa, 2013) rappelle l’histoire de cette illustre bâtisse, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que vingt-trois autres ville venete et le centre historique de la ville de Vicenza.
Venise, reine millénaire de la mer
Arriver par la mer dans la Serenissima Reppublica di Venezia est un enchantement. « Aucun coin de la terre n’a donné lieu, plus que Venise à cette conspiration de l’enthousiasme », notait l’écrivain Guy de Maupassant. Et l’enthousiasme débute dès le débarquement dans cette ville née dans la lagune, devenue grande puissance maritime et commerciale entre l’Occident et l’Orient au XVe siècle.
Après le confinement pour cause de Covid-19, les visiteurs sont revenus à Venise, notamment lors du week-end de la fête du Rédempteur (Festa del Redentore). Chaque année, les troisièmes samedi et dimanche du mois de juillet se tient une fête très courue commémorant la fin de l’épidémie de peste qui ravagea Venise et sa région en 1575-1576. Le doge Alvise II Mocenigo avait promis de construire une église splendide si la peste prenait fin. Andrea Palladio, assisté de l’architecte et ingénieur Antonio Da Ponte, la dessina et l’édifia en 1576.
Un pont de bateaux, éphémère, est construit depuis les Zattere jusqu’à l’église du Rédempteur sur l’ile de la Giuidecca. Cette fête, chère aux Vénitiens, est l’occasion de banquets, danses, chants, décorations de bateaux, de terrasse et d’altane (petits balcons sur les toits de certaines maisons), sans oublier les feux d’artifice et la Regata del Redentore, compétition sportive sur des embarcations à rame.
Sise au cœur de la circulation maritime la plus vaste de la Méditerranée à l’époque de son faste, la Serenissima Repubblica di Venezia avait construit son indépendance et sa puissance économique grâce non seulement au commerce maritime florissant mais également à ses institutions aristocratiques stables sur près de mille ans.
« Le 12 mai 1797, l’illusion de cette permanence mythique s’évanouit quand, dans un ultime acte de souveraineté et sans la moindre résistance, la noblesse qui composait le Grand Conseil vota, sous la menace de Bonaparte, l’abolition des institutions qui régissaient la cité-État depuis le Moyen Age, se livrant ainsi, selon la formule de l’écrivain Ippolito Nievo, au « gran matricio » (grand matricide) », peut-on lire dans le mensuel L’Histoire de mars 2017.
Et le texte de poursuivre : « A l’heure de signer la paix avec l’Autriche au traité de Campoformio en octobre 1797, Bonaparte céda toute la Vénétie, Venise incluse, à la Maison de Habsbourg, mettant officiellement fin à l’indépendance d’un État « que l’intérêt vendit au despotisme », selon la formule du poète italien Ugo Foscolo figurant dans son roman autobiographique, Les Dernières Lettres de Jacopo Ortis, écrit en 1798.
« Occupée alternativement par les Français et les Autrichiens, entre 1797 et 1866, date à laquelle elle est rattachée au royaume d’Italie, la cité, « vendue et revendue ainsi qu’un ballot de ses anciennes marchandises », comme l’écrivit Chateaubriand, devint au XIXe siècle le lieu d’élection des chantres de la décadence, de la méditation sur le temps, sur la fin des civilisations, sur la mort qui triomphe de l’histoire ».
Pour un aperçu de l’indépendance des institutions de la Sérénissime et de son rôle politique qui fut important, avant que Venise soit sacrifiée sur l’autel des ambitions militaires de Napoléon Bonaparte, une visite à l’imposant Palazzo ducale, sur la magnifique Piazza San Marco, près de l’élégante Basilica Cattedrale di San Marco, s’impose. Déambuler dans ses salles et lire les panneaux fort bien documentés résumant l’histoire de cette cité-État et descendre dans ses prisons en traversant le fameux pont des soupirs que poussaient les condamnés, donne une idée de la puissance et gloire de la perle de l’Adriatique.
Mais depuis quelques années, Venise ne cesse de se dépeupler, au risque de devenir un musée à ciel ouvert, se désolent les Vénitiens. Dans son édition du 10 août 2022, le quotidien la Repubblica écrit que, pour la première fois, le nombre d’habitants de la cité des doges a chuté de 50’015 résidents à 49’999 dans l’île. La municipalité de Venise comprenant l’estuaire et la terre ferme compte 254’000 habitants.
Admirer la richesse et l’éclat culturel de Venise n’est pas incompatible avec une analyse réaliste de sa situation actuelle. Un entretien avec le président de l’Association des gondoliers puis avec Alvise, un jeune gondolier, aide à mieux comprendre les défis auxquels est confrontée cette ville sans pareille au monde.
Après avoir rejoint le pont de l’Accademia et le temps de laisser mon bagage à l’hôtel Belle Arti situé à quelques dizaines de mètres, direction Campo Santo Stefano, pour y rencontrer, sur l’Aperol Terrasse, Andrea Balbi, président de l’Associazione Gondolieri Veneti.
Nous nous attablons et parcourons un exemplaire de Venezia La guida ufficiale dei Gondolieri (lineadacqua, 2022). Ce guide, concocté par les gondoliers, dévoile une série d’itinéraires d’une Venise moins connue et plus intime. Avant la discussion, dégustation de l’incontournable Spritz, l’apéritif local à base de prosecco et d’Aperol, accompagné d’une sélection de cicheti, bouchées vénitiennes exquises qui se dégustent du bout des doigts, servies principalement dans les baccheri (tavernes typiques de la lagune), déclinées en sarde in saor, baccalà mantecato et bresaola ou porchetta sur un carré de focaccia moelleuse.
L’association présidée par Andrea Balbi chapeaute 433 gondoliers, dont quelques femmes qui ont réussi récemment à pénétrer ce bastion masculin. Être gondolier et gondolière est une fierté et souvent une affaire de famille. On le devient de père en fils et désormais de père en fille. L’arrière-grand-père d’Andrea maniait déjà la rame de ce symbole de Venise qu’est la gondole, longue barque noire et majestueuse construite dans un squero, atelier couvert où l’on garde les secrets de fabrication de ce moyen de déplacement sur l’eau en prenant son temps.
Le confinement dû à la pandémie de Covid-19 et l’acqua alta qui avait submergé le centre historique de la Sérénissime et ses îles en 2019 avaient presque mis à genou cette profession millénaire, par manque de visiteurs. Cet été, ils reviennent nombreux. Les affaires peuvent reprendre dans cette ville vivant économiquement presque exclusivement du tourisme.
« Pour devenir un gondolier agréé, il ne suffit pas de savoir voguer et avoir gagné des régates. Il est indispensable d’être bon nageur, suivre les cours de l’Arte del Gondoliere, avoir des connaissances linguistiques, en français, anglais et espagnol notamment, ainsi que de solides notions de l’histoire de Venise, de l’histoire de l’art, de la toponymie et du droit de la navigation, pour réussir l’examen », déclare Andrea Balbi. La théorie et la pratique comportent soixante heures d’étude à l’Institut Algarotti et dix heures de vogue à la poupe d’une gondole (gondoea en vénitien), sous l’œil d’un gondolier chevronné.
Chaque gondolier est propriétaire de sa gondole, qui coûte environ 30’000 euros. « Elle porte souvent le prénom de notre épouse ou de nos enfants. Il faut six mois pour la construire et elle peut durer quarante ans en moyenne. Être gondolier est un métier important car il permet de maintenir une tradition. Nous préparons une vidéo et un dossier de candidature que nous espérons envoyer prochainement à l’UNESCO, car nous souhaitons que la gondole et notre métier puissent entrer au patrimoine immatériel de l’humanité », ajoute Andrea Balbi.
Conscients des dangers qui menacent l’environnement de Venise, ville de mer qui risque d’être engloutie, les « gondoliers sub » ont par exemple décidé de plonger dans les canaux, pour contribuer à nettoyer les plus souillés et en extraire des centaines de détritus : pneumatiques, bouteilles, sanitaires, bicyclettes et autres objets, initiative soutenue par l’administration communale.

Nous évoquons également la situation des gondoliers et autres habitants de Venise avec Alvise, lors de la sortie en gondole qu’il nous offre. Glisser sur l’eau le matin apaise, tout comme répondre, en langue vénitienne, au salut des gondoliers que nous croisons. Nous constatons que le ramassage des poubelles se fait aussi sur l’eau, puis nous passons devant la maison de Marco Polo, le grand voyageur vénitien, fils et neveu de marchands qui parcouru la route de la Soie pendant plus de vingt ans et séjourna à la cour du Grand Khan Kubilaï, l’empereur mongol qui en fit son ambassadeur. Dans ses mémoires, dictées à Rustichello da Pisa, qui compilera en français le Devisement du monde ou Livre des Merveilles, Marco Polo évoque notamment la Russie, l’Iran, la Chine, l’Afghanistan, la Birmanie et l’Inde.
« Voir Venise depuis l’eau est une expérience différente. En temps et en rythme », dit Alvise. Pour lui, l’un des problèmes de la cité des doges est la gestion du trafic sur les canaux, y compris les plus grands, entre gondoles, barques, vaporetti, traghetti, péniches et taxis filant à vive allure. Les incivilités et la propreté urbaine laissent aussi à désirer, avec des gens qui jettent par terre des déchets, un peu par manque de poubelles à travers la ville et beaucoup par manque de conscience écologique de certains visiteurs.
« Venise est une belle ville pour les touristes. Mais elle est une ville chère pour nous les Vénitiens. Les logements sont difficiles à trouver et les loyers sont très élevés. Car de plus en plus de propriétaires préfèrent louer leur appartement ou maison plus cher à des personnes de passage », se désole-t-il.
En quittant Alvise, devant la place St-Marc, il reste peu de temps pour continuer d’explorer les richesses de l’incomparable Venise, comme le musée Correr, la bibliothèque Marciana, La Biennale d’art et d’architecture, la Punta della Dogana, les églises et palais abritant des trésors de peintures et de sculptures, les îles dont Murano, Burano et Torcello ou la Mostra du cinéma qui se tient au Lido.
« Venise porte en elle les germes de sa destruction et c’est peut-être cette fragilité qui en fait sa splendeur », écrit l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani dans Le parfum des fleurs de nuit (folio, 2022). Une splendeur qui incite à revenir dans cette ville de mer qui depuis seize siècles ne cesse d’envoûter.
Pour plus d’informations :
Padoue :
www.turismopadova.it – Palazzo Bo et Orto Botanico : Giro storico : tour@unipd.it
Consorzio DMO Padova : t. +39 049 6452575 – vanessa.t@padovaconvention.it
Croisière sur le fleuve Brenta :
www.ilburchiello.it
Venise :
A.V.M. S.p.A. – Azienda Veneziana della Mobilità – www.avmspa.it
T. +39 041 2722354 – Marta.Moretti@avmspa.it
Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.
Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.
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