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Challenges in Geneva's Multicultural Public School System

This article discusses the pressing challenges of Geneva's public school system in a multicultural context, including achieving educational success and inclusivity for diverse learners.

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Luisa Ballin
January 21, 202019 min read

Edition Française

This article is part of Global Geneva’s development of a French-language component at the request of readers. If you like what we are doing to help highlight ‘international Geneva’ issues, then please support us.

Anne-Emery Torracinta me reçoit dans son bureau situé en Vieille ville. L’enseignement qu’elle a pratiqué pendant 35 ans est sa passion. La magistrate a suivi la majorité de sa scolarité dans la Cité de Calvin, sauf entre 1966 et 1969, lorsque son père, le journaliste Claude Torracinta, était correspondant de la Tribune de Genève à Paris. La responsable du Département de l’instruction publique genevoise était aux premières loges lors des événements de Mai 68, qui préconisaient notamment le gai savoir.

Lorsque je lui demande quels sont les défis de l’école publique face à l’école privée, sa réponse est concise : « Les écoles privées mènent leur vie, avec une particularité à Genève, ville internationale, celle d’accueillir les enfants de fonctionnaires internationaux et de parents travaillant dans des entreprises multinationales qui souhaitent garder le même système scolaire en s’installant pendant quelques années chez nous. S’agissant de l’école publique, notre premier défi à relever est le taux de réussite des élèves pour qu’ils obtiennent une certification à la fin de leur cursus secondaire ».

La Conseillère d’Etat, qui a enseigné l’histoire pendant 35 ans avant d’être élue au Conseil d’Etat en 2013 puis réélue en 2018, précise que la Suisse souhaite compter 95% de jeunes avec un diplôme lorsqu’ils quittent l’école secondaire. Genève, qui connait en général les mêmes problèmes que les métropoles, est loin du compte. « Ce taux varie entre 83 et 85%. En tant que responsable du DIP, j’ai un slogan : un jeune, un diplôme, un avenir. Car, si l’on termine l’école sans titre, la chance d’accéder au monde du travail est faible. Les jeunes qui ne sont pas certifiés sont au chômage plus longtemps que les jeunes diplômés ».

L’autre chantier que la responsable du Département de l’instruction publique (DIP) entend mener à bien est celui de l’implantation du numérique à l’école, qui se pose d’ailleurs pour l’ensemble des cantons suisses. Cette question a suscité des crispations à Genève. Quid de l’introduction de tablettes pour les élèves ? Doivent-ils savoir coder ? Avec quel langage ? « Notre but n’est pas de faire des élèves de futurs ingénieurs en informatique, mais de les familiariser avec le numérique et de leur apprendre à se prémunir des dangers du trop écran, des traces que l’on laisse sur les réseaux sociaux et sur la toile en général », dit-elle.

Les nouvelles technologies de l’information ont révolutionné le savoir. Comment sensibiliser les jeunes, dès leur plus jeune âge, à l’importance d’une information dûment vérifiée et à combattre les fake news ? « L’utilisation des médias est importante. Il est facile d’avoir une bibliothèque dans la poche grâce aux téléphones portables qui donnent un accès direct au savoir. Mais de quel savoir s’agit-il ? Comment un élève peut-il faire la différence entre une information vraie et une information fausse ? Comment confronte-t-on les sources ? Comment avoir un esprit critique ? Comment perfectionner l’écrit ? Cela demande des compétences », estime Anne Emery-Torracinta. (Voir Global Geneva: Youth Writes)

Si, depuis les années 60, au cycle d’orientation, les élèves bénéficient déjà d’un cours d’éducation aux médias et de critique de l’information, de nos jours et compte tenu de l’effet immédiat qu’induisent buzz et fake news, conscientiser les jeunes à l’information vérifiée devient primordial. Le projet du numérique à l’école prévoit de développer ce type d’enseignement. Grâce à des échanges avec des journalistes lors de la Semaine des médias ou à des actions qui peuvent avoir lieu dans les écoles.

« Le cours Médias et Images permet de travailler cette dimension avec les élèves. Notre but est de préparer des citoyens et des citoyennes critiques, capables de distance et de faire des choix éclairés dans un monde où ils sont submergés par des informations immédiates diffusées par les réseaux sociaux, qui ne sont parfois pas vérifiées, parce qu’il faut avoir le scoop avant les autres ! Il n’y a pas que l’école à être concernée, c’est aussi un défi pour la presse », estime la responsable de l’instruction publique genevoise. (Voir article du Global Geneva Youth writes ).

Une écoleinclusive face à l’hétérogénéité des élèves

Autre défi important, celui d’avoir une école inclusive qui réponde aux besoins différenciés des élèves où chacun a ses particularités. Comment répondre à l’hétérogénéité des élèves, accentuée par les différenciations sociales ? Question pertinente lorsque l’on voit la diversité des enfants à un moment où l’école commence les apprentissages dès qu’ils ont quatre ans.

La Conseillère d’Etat n’élude pas la question. « Le plan d’études romand fait commencer les apprentissages très tôt, avec le risque que les écarts se creusent. Nous voyons la différence entre les enfants qui ont passé par des structures d’accueil comme les crèches, qui ont été stimulés et qui arrivent avec un bagage important quel que soit le milieu, et des enfants qui n’ont pas passé par ces structures. S’ils viennent de milieux favorisés ou si les parents les ont stimulés, il n’y a aucun souci, mais s’ils viennent de milieux défavorisés, l’écart est énorme entre les petits ».

La violence à l’école qui augmente partout est aussi un problème. « Et l’on voit de plus en plus d’enfants très agités. Nous constatons des troubles du comportement également chez les plus petits et nous voyons plus d’enfants qui n’entrent pas dans le moule scolaire. Les facteurs environnementaux jouent certainement un rôle mais aussi les changements de société qui se perçoivent à l’école. L’école est à la croisée de cela, avec des enseignants qui ont besoin de soutien pour faire face à ces défis », déclare la magistrate.

L’apprentissage de l’anglais se fait-il au détriment d’une langue nationale ?

A Genève la cosmopolite, l’apprentissage de la langue anglaise très tôt se fait-il au détriment de l’allemand ou de l’italien, deux langues nationales ? La question fait débat des deux côtés de la Sarine. « Il est important de prioriser la cohésion nationale », affirme Anne Emery-Torracinta. « De plus, l’allemand est une langue difficile pour les Romands. Au-delà de l’apprentissage de la langue allemande, il s’agit également de comprendre la culture de l’autre. Nous avons une volonté de développer les échanges dès le plus jeune âge entre élèves romands et alémaniques. Une classe de Genève partira par exemple faire du ski avec une classe alémanique dans une station alémanique ». L’italien peut aussi être choisi comme langue nationale.

Volonté affichée de rendre l’allemand plus séduisant, mais que faire avec l’anglais ? « À Genève, 46% des enfants n’ont pas le français comme langue maternelle car ils parlent une autre langue à la maison. Pour ces enfants, le français est une langue étrangère tout comme l’allemand. Et si l’on ajoute l’anglais à l’école primaire, cela ferait trois langues à apprendre dès le plus jeune âge. Je ne suis pas sûre que l’introduction de l’anglais dès la fin du cursus primaire soit une bonne chose pour les élèves du canton, même si la plasticité du cerveau se fait avant dix ans, ce qui permet d’apprendre une langue plus aisément », explique la responsable du DIP, inquiète de voir que des enfants ayant des difficultés à l’école, et pour qui le français est difficile, risquent d’être à la peine s’ils mélangent plusieurs langues.

L’école publique genevoise a misé sur des cursus bilingues avec l’anglais et l’allemand, permettant aux jeunes de bénéficier de cours donnés en anglais par un.e enseignant.e anglophone et en allemand par un.e professeur.e germanophone. « Nous encourageons aussi les séjours scolaires d’un semestre ou d’une année à l’étranger permettant à des élèves d’obtenir leur maturité bilingue. Nous l’avons également fait avec l’apprentissage de commerce pour un CFC (Certificat fédéral de capacité, ndlr) avec une maturité professionnelle en bilingue, qui intéresse les entreprises multinationales travaillant en anglais ».

Enseigner l’histoire du fait religieux

La Cité de Calvin étant une ville multiculturelle où de nombreuses religions se côtoient, l’histoire du fait religieux figure dans les plans d’études pour l’école obligatoire. « J’ai encouragé l’enseignement du fait religieux, qui mettait parfois mal à l’aise certains enseignants ne sachant pas toujours comment faire. Nous publions des brochures destinées aux jeunes de quatre à quinze ans, dont une sur les monothéismes. Ce n’est pas un cours de religion mais bien un cours sur le fait religieux et sa signification dans l’histoire humaine que l’on trouve dans toutes les civilisations. Il est dès lors important de comprendre et de connaître ces éléments pour éviter les dérives. Ce n’est pas parce que l’on est musulman que l’on est islamiste et ce n’est pas parce que l’on est islamiste que l’on est forcément terroriste », estime la magistrate en charge de l’instruction publique à Genève. (Voir l’artcle Global Geneva: Cyber Monsters, youth and social medai)

Dans la capitale internationale des droits humains, les autorités donnent les moyens de vivre en bonne harmonie, tout en mettant des règles du jeu claires. « Ce ne sont pas des théologiens qui donnent les cours sur le fait religieux, car on ne parle pas de foi. On examine un phénomène social. Les enseignants ne portent pas de signes religieux, mais les élèves peuvent en porter à Genève, car ils ne sont pas les représentants de l’Etat, qui doit être neutre. Il faut intégrer et respecter, en soulignant que l’ensemble des cours doit être suivi. Y compris les cours de musique, d’éducation sexuelle, de gymnastique et de natation », souligne la Conseillère d’Etat.

Le dialogue avec les parents est également primordial à ses yeux. « S’ils ont des questions, nous leur répondons en leur expliquant que chaque élève doit être capable de discernement et de comprendre le monde dans lequel il vit ». Qu’en est-il des théories créationnistes qui pourraient être enseignées ? « Si un établissement privé enseigne le créationnisme, nous rappelons à sa direction qu’il faut distinguer un cours de religion d’un cours de sciences ».

La Conseillère d’Etat en charge de l’école publique dans le canton de Genève conclut l’entretien en mentionnant le programme Silence on lit, qui permet tant aux élèves qu’aux enseignants, de retour de la pause de midi en classe, de choisir un livre et de s’adonner en silence au plaisir de la lecture pendant une quinzaine de minutes. « Ce programme permet d’insister sur l’importance de la lecture et d’avoir un effet apaisant, notamment chez les plus petits. Certains arrivent en classe très tôt le matin, puis vont aux cuisines scolaires à midi. Ils sont fatigués par le brouhaha et ce moment de lecture au calme leur permet de se relaxer avant la reprise des cours l’après-midi ».

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Greta Thunberg at the Davos World Economic Forum. (Photo: WEF)

L’ONU fait également une place aux jeunes

Le 8 janvier dernier, le Palais des Nations a ouvert ses portes à plus de 700 jeunes, accompagnés de leurs enseignants, venus de 51 écoles de 23 pays. Dans la Salle XX, sous le dôme créé par l’artiste espagnol Miquel Barceló, ils ont débattu de thèmes à l’Agenda 2030 du Développement durable, avec en point de mire les technologies de développement. Organisé en partenariat avec l’Union internationale des télécommunications (ITU), cet événement a mis l’accent sur l’environnement, la cyber-sécurité, les compétences numériques et l’éducation. Avec un segment sur la protection des enfants en ligne – COP KIDS.

Le rendez-vous onusien, qui a duré trois jours, a lancé les Commémorations du 75ème Anniversaire des Nations Unies. Le Secrétaire-général de l’ONU, Antonio Guterres, a ainsi lancé un débat global sur le rôle de la coopération internationale pour façonner notre futur. Le dialogue engagé avec les jeunes sur les défis du multilatéralisme s’est tenu en présence du Secrétaire général adjoint des Nations Unies Fabrizio Hochschild Drummond, Conseiller spécial pour les préparatifs des Commémorations du 75ème Anniversaire des Nations Unies, de la Directrice-générale de l’Office des Nations Unies à Genève Tatiana Valovaya, et de Doreen Bogdan Martin, Directrice du Bureau du développement des télécommunications à l’UIT.

Cette expérience pédagogique marquante pour les jeunes les a incités à imaginer des solutions et à proposer des actions pour leur avenir. Le message de l’ONU à leur intention est ambitieux : « Joignez-vous à la conversation, soyez le changement ! ». Dans un message vidéo, l’ancien Premier ministre portugais Antonio Guterres, devenu Secrétaire-général de l’ONU, a déclaré que cette conversation ouverte aux jeunes est « une grande source d’espoir et d’inspiration. Nous avons besoin de vos idées ».

Mais comme l’a justement rappelé le Secrétaire-général adjoint de l’ONU Fabrizio Hochschild Drummond, les jeunes ne peuvent pas être seuls pour réparer la planète, « c’est la responsabilité de chacun d’entre nous. Nous avons besoin de vos voix, des voix dans vos écoles et vos pays pour faire que l’ONU soit un meilleur instrument pour le futur. Nous voulons que vous soyez nos ambassadeurs dans vos pays ».

Les élèves d’établissements scolaires publics et privés, ayant participé au FerMUN 2020, provenaient des pays suivants : Allemagne, Australie, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Danemark, Émirats Arabes Unis, Espagne, Etats-Unis, Éthiopie, France, Grèce, Italie, Kenya, Koweït, Maroc, Monaco, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Royaume-Uni, Rwanda, Sénégal et Turquie. La Suisse était représentée par l’Ecole Moser (Nyon) et le Lycée Vilfredo Pareto (Mies). LB

Pour fêter ses 50 ans à Davos, le Forum économique mondial s’ouvre aux jeunes

La tendance de l’époque étant à l’inclusion des jeunes, notamment dans le débat sur l’urgence climatique, le Forum économique mondial (WEF en anglais) ne fait pas exception. Conscients que les risques climatiques sont au centre des préoccupation des citoyens sous toutes les latitudes, les responsables du rendez-vous annuel des décideurs du monde, qui fête ses cinquante ans dans la station suisse de Davos-Closters en ce mois de janvier, ont également convié 62 jeunes dirigeants mondiaux (Young Global Leaders), ainsi que la figure emblématique de la jeunesse, l’adolescente suédoise Greta Thunberg, invitée pour la deuxième année consécutive.

Le fondateur du Forum économique mondial Klaus Schwab l’a affirmé devant la presse au siège du WEF à Cologny sur les hauteurs de Genève, le 14 janvier : « Le monde est en état d’urgence. La fenêtre pour agir est petite ». Ni un gouvernement, ni une entreprise, ni la société civile ne peuvent résoudre seuls les problèmes qui se posent. Parmi les autres domaines inquiétant selon le Forum économique mondial figurent les confrontations économiques et la polarisation politique intérieure.

Dans ce contexte tendu, le WEF dénonce dans son rapport annuel “l’effet néfaste des conflits géopolitiques et du recul du multilatéralisme sur la capacité de chacun à faire face aux risques mondiaux communs et majeurs”. En l’absence d’une attention urgente portée à la réparation des divisions sociales et à la promotion d’une croissance économique durable, les dirigeants du monde ne peuvent s’attaquer systématiquement aux menaces telles que les crises liées au réchauffement climatique ou à la perte de biodiversité.

Pour contribuer à la recherche de solutions face à ces problèmes majeurs, le WEF préconise des plateformes collaboratives, appelle les entreprises à payer des impôts et des salaires adaptés, sans oublier de respecter les droits humains. Message adressé aux plus de 40 chefs d’Etat et de gouvernements invités cette année à Davos, parmi lesquels la Chancelière de l’Allemagne Angela Merkel, le Président des Etats-Unis Donald Trump, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, six Conseillers fédéraux représentants la Suisse, la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le Président du Conseil européen Charles Michel, et 1’680 capitaines d’industries dans toutes les branches de l’économie.

Luisa Ballin est une journaliste Italo-suisse qui collabore régulièrement avec le magazine Global Geneva.

Italo-Swiss journalist Luisa Ballin is a contributing editor of Global Geneva magazine.

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